Si le microscope ne doit pas être considéré comme une panacée, mais simplement comme un élément parmi dautres dans la détermination, il nen est pas moins vrai quil constitue un outil indispensable pour létude de certains genres (Inocybes, Russules par exemple) et quil permet au débutant de faire des progrès rapides.
Croire que le microscope est réservé aux mycologues confirmés est une erreur; je pense même que le microscope est plus nécessaire au débutant! il permet de se forger une image plus complète dun genre ou dun sous-genre (spores bosselées et cystides de certains Inocybes, spores verruqueuses des Russules, cuticule celluleuse des Bolbitiées par exemple) et comprendre pourquoi certains genres qui se ressemblent sont séparés.
Le microscope est un dispositif optique permettant de grossir limage dun objet par le jeu de lassociation de deux groupes de lentilles loculaire côté il et lobjectif côté objet. La multiplication du grossissement de lobjectif par celui de loculaire permet dobtenir le grossissement du microscope par exemple oculaire de 10 X objectif de 40 = grossissement de 400.
En mycologie on utilise en général des objectifs de 1OX, 40X et 100X (à immersion), associés à un oculaire de 10 ou 12X (très rarement 20X).
On commence par observer la préparation à un faible grossissement pour repérer les zones intéressantes, puis on passe à un grossissement supérieur.
Pour faire la mise au point on approche lobjectif (trop) près de la lame pour être obligé de sen éloigner, afin de ne pas la heurter avec lobjectif pendant cette manipulation et risquer dendommager lun ou lautre (loptique est fragile).
Pour passer au grossissement supérieur, il suffit de tourner le revolver (dans le sens des aiguilles dune montre) pour amener le prochain objectif. Sur les microscopes modernes les objectifs sont indexés de façon à ce quil ny ait quune mise au point minime (avec la vis micrométrique) à faire lors du passage de lun à lautre.
A partir dun grossissement de 1000X il est nécessaire dobserver en immersion pour augmenter le pouvoir séparateur. Pour ce faire on dépose une goutte dhuile à immersion (aujourdhui synthétique, autrefois huile de cèdre) sur la lamelle couvre objet et on y trempe lobjectif (prévu à cet effet).
Ceci implique que lon ne pourra pas passer dun objectif « à sec » vers un objectif à immersion par simple rotation du revolver; il faut éloigner le corps optique de la préparation, amener délicatement lobjectif au contact de la lamelle (à noter que les objectifs à immersion sont pourvus dun amortisseur permettant déviter de briser la lamelle) et refaire la mise au point. On peut éventuellement aussi déposer une goutte dhuile à immersion entre le condenseur et la lame.
En aucun cas on ne trempera lobjectif directement dans la préparation sans mettre de lamelle couvre objet.
Après usage il faudra essuyer systématiquement lobjectif à immersion avec un chiffon doux sec ou imprégné dun peu dalcool à 90° pour éviter que lhuile ne sèche. Eviter de toucher les lentilles avec les doigts, les nettoyer avec un chiffon doux ou un pinceau. Le microscope est un appareil fragile et donc à manipuler avec précaution et soin.
Le matériel nécessaire à une bonne pratique se compose:
Les coupes
On peut bien sûr prendre un morceau (aussi petit que possible) de champignon, lécraser entre lame et lamelle et essayer dy voir quelque chose, mais si lon veut éviter de parcourir toute la préparation avant dy dénicher une cystide, connaître lorganisation dun tissu ou localiser un élément avec précision, il faut recourir à des coupes.
Lobservation au microscope se faisant par transparence, il faudra que les coupes soient les plus fines possible.
Contrairement à la Botanique, en Mycologie lusage de la moelle de sureau nest pas recommandé pour maintenir la pièce, sauf sil sagit de matériel sec non réhydraté.
Quelques principes:
Le scalp
Se pratique sur le chapeau, éventuellement sur le pied,
pour mettre en évidence la structure de la cuticule, du voile ou du revêtement
du pied. Cest certainement la coupe la plus facile à réaliser, il suffit
de "raser" le chapeau en se limitant le plus possible à la cuticule.
Permet de voir si la cuticule est filamenteuse ou celluleuse (hyméniforme), éventuellement la présence de dermatocystides.
Coupe radiale ou transversale du chapeau
Si
lon veut mettre en évidence la structure cuticulaire et sous-cuticulaire,
il est nécessaire de faire une coupe transversale.
0n pratique une incision à mi-rayon du chapeau, puis on "rase" les bords de la "faille" ainsi créée avec la lame du rasoir.
Permet une analyse fine de la cuticule et des couches inférieures, poils, dermatocystides, laticifères, mise en évidence dhyphes primordiales incrustées par coloration à la fuchsine par exemple.
Coupe transversale des lames
Lanalyse
de la trame des lames, la recherche des pleurocystides (cystides de la face
des lames) nécessite ce type de coupe.
On coupe un morceau du bord du chapeau du champignon et on coupe ensuite le long de la "plaie" de haut en bas en commençant par la chair du chapeau et en finissant dans les lames, sans vouloir aller trop loin dans les lames. Il faut surtout sattacher à faire des coupes fines. On obtient de petits "peignes".
Les basides et les éventuelles cystides tapissent le bord des "dents", tandis que la trame des lames pourra se voir à lintérieur.
Examen de larête des lames
Pour
mettre en évidence les poils darête ou cheilocystides on isole une lame
(ou un bout de lame) du chapeau et on coupe une petite bande aussi fine que
possible (1 mm environ) le long de larête. On réalise cette opération
directement sur la lame porte-objet dans un peu deau, et on écarte la
partie inintéressante de la lame du champignon après la coupe, on couvre avec
la lamelle couvre-objet. Parfois il suffit dobserver la préparation telle
quelle, mais le plus souvent il faut lécraser un peu pour la rendre
lisible.
Bien que la différence entre lintérieur de la lame et larête soit souvent évidente, il vaut mieux repérer préalablement la position de lun et de lautre dans la préparation (mais ne pas oublier que le microscope donne une image inversée de lobjet).
Si lobservation de base doit se faire dans leau, il est cependant souvent nécessaire de procéder à des colorations pour mettre en évidence tel ou tel élément.
Congo ammoniacal
Cest une solution de Rouge Congo à 1% dans de lammoniaque concentrée (ne pas mettre le nez sur le flacon!).
Colore les parois des cellules en rouge.
Certains font systématiquement toutes leurs observations dans ce milieu; il est quasiment indispensable pour mettre en évidence les boucles, ou bien les cystides en brosse des Mycènes par exemple.
Réactif de Melzer
Le réactif de Melzer est une solution iodo-iodurée dans laquelle certains éléments dits "amyloïdes" réagissent en noir (violet) comme le fait lamidon en présence diode. Il sagit surtout des spores. Très utile pour mettre en évidence lornementation des spores de Russules par exemple.
Réactifs sulfo-aldéhydiques
Ces réactifs donnent une coloration grise à noire à certaines cystides ou dermatocystides (Russules). On utilise soit le sulfobenzaldéhyde (SBA) soit la sulfovanilline (SV). Mais ces réactifs se conservent très mal (moins dun an parfois), aussi on utilise le plus souvent la SV qui se prépare au moment du besoin en dissolvant quelques cristaux de vanilline dans de lacide sulfurique à 50%. Il faut savoir que dans ce milieu il nest plus question de distinguer les hyphes du champignon, seules les cystides et les dermatocystides résistent en général à laction de lacide.
Fuchsine de Ziehl
Les hyphes cuticulaires présentent chez certaines Russules des incrustations acidorésistantes. Pour les visualiser, on plonge une coupe ou un scalp de cuticule dans une solution de fuchsine phéniquée (Fuchsine de Ziehl) pendant 10 minutes, on rince à leau, on trempe léchantillon dans une solution dacide chlorhydrique à 3% pendant 1 minute maximum, on rince à nouveau et on observe dans leau. On opère dans un petit godet (une capsule deau minérale fait laffaire).
Les granulations acido-résistantes forment une gaine granuleuse rouge autour de certaines hyphes, alors que le reste est décoloré. Mais il faut faire attention de ne pas laisser agir lacide trop longtemps, sinon toute la préparation finit par être décolorée.
Carmin acétique
La solution de carmin dans de lacide acétique colore les noyaux de nombreux organismes et les granulations dites "carminophiles" ou "sidérophiles" du contenu des basides des Lyophyllées.
On place un petit morceau de lame dans une solution aqueuse de chlorure ferrique à 10% pendant quelques minutes, puis on le sort, le tamponne, puis on le place dans une solution de carmin acétique et on porte à ébullition pendant 1 à 2 minutes, on récupère léchantillon, on le place dans une goutte de solution dhydrate de chloral entre lame et lamelle, on écrase et on observe. La sidérophilie (ou carminophilie) est positive si des granulations noirâtres apparaissent dans les basides.
Bleu de crésyl
Permet la mise en évidence de la métachromasie de certains tissus ou cellules (coloration différente de celle de la solution). Peut être utile pour la détermination de certaines Lépiotes.
Un petit fragment de lame ou des spores sont déposés dans une goutte de solution de bleu de crésyl à 0,5% pendant quelques instants, puis on dilue avec de leau et on observe à limmersion. Si les spores sont métachromatiques, lendospore se colore en rouge alors que le reste est en bleu.
Bleu coton lactique
Cest une solution à 0,1% de bleu coton dans de lacide lactique pur ou dilué de moitié. Colore le contenu cellulaire et certaines ornementations sporiques. Permet la mise en évidence de la "cyanophilie" (coloration bleue des spores ou des hyphes par le colorant).
Ammoniaque
Lammoniaque (NH4OH) est obtenue par dissolution du gaz ammoniac (NH3) dans leau.
Elle peut avoir plusieurs utilisations, soit pour colorer (souvent en jaune) certains éléments comme le contenu des chrysocystides, soit pour regonfler le matériel sec en ly faisant bouillir pendant quelques secondes.
Hydrate de chloral
A la propriété de gonfler les tissus, donc pour examiner un exsiccatum on peut également le faire bouillir pendant quelques secondes dans une solution aqueuse dhydrate de chloral à 66,7%.
Dans la pratique, seules les trois premières colorations sont quasiment indispensables (et la fuchsine pour les Russules), les autres peuvent souvent être contournées, bien que lorsquon peut les mettre en uvre elles simplifient la détermination.
Les éléments à observer au microscope chez un champignon donné peuvent varier dun genre ou dune espèce à une autre. On observera presque systématiquement les spores, très souvent les lames (cystides) et la cuticule, plus rarement les boucles ou autres détails.
La cuticule et les voiles
On prélèvera une partie des voiles (verrues, volve...) pour y rechercher déventuels sphérocystes (cellules rondes) volve dAmanitopsis submembranacea par exemple, voile de certains Coprins, etc.
Le scalp des Bolbitiées (Agrocybe, Bolbitius, Conocybe...) et quelques autres espèces montrera des cellules rondes (cuticule celluleuse ou hyméniforme), alors que la plupart des champignons ont une cuticule filamenteuse (même les Russules dont la chair est pourtant majoritairement formée de sphérocystes).
Certains genres peuvent présenter des éléments particuliers:
On pourra éventuellement observer différents types de pigments : extracellulaires (grains solidifiés), membranaires et intracellulaires (vacuolaires).
Boucles
La boucle est une anse se produisant au niveau de la séparation entre deux hyphes et par laquelle un noyau dune hyphe passe dans lautre.
Cest
un élément souvent difficile à détecter. On la cherche souvent à la base des
basides, mais quand elle existe, cest au niveau de la cuticule que la
boucle est la plus facile à mettre en évidence.
Hyménium
Déjà lors de lexamen macroscopique, cest lhyménium qui nous donnait les renseignements les plus importants, il en est de même en microscopie.
Lexamen de lhyménium (partie fertile) permettra de distinguer les Ascomycètes (avec asques contenant 8 spores, et paraphyses) des Basidiomycètes (avec basides portant 4 spores, et cystides) dans les quelques rares cas où lexamen macroscopique ne permet pas de trancher.
Les cystides:
ce sont les éléments stériles des Basidiomycètes (les paraphyses étant ceux des Ascomycètes), on en distingue 3 types:
Quelques exemples de cystides:
D - Trame des lames:
Lexamen de la trame des lames nécessite des coupes transversales
fines, il y a 4 possibilités:
Spores
Au microscope on peut apprécier différents caractères des spores, y compris la couleur dans une certaine mesure (blanche, pâle, rousse, brune, noire).
On peut voir un éventuel pore germinatif, évaluer lépaisseur de la paroi sporique, mais surtout voir la forme et lornementation de la spore et mesurer sa taille (avec un oculaire micrométrique).
Différents types de spores:
La forme et lornementation des spores est en général relativement homogène dans un même genre : tous les Entolomes ont des spores polygonales, toutes les Amanites et tous les Tricholomes (au sens strict) ont des spores lisses, toutes les Russules ont des spores verruqueuses plus ou moins crêtées.
La taille des spores varie pour lessentiel de 3 à 20 microns (1 micron = 1/1000ème de millimètre) environ, avec une majorité de spores autour de 8 à 10 microns (µ).
Toutes les spores dune même espèce nont pas forcément exactement la même taille, mais sont comprises dans une fourchette. Pour indiquer la taille on note dabord les valeurs extrêmes de la longueur suivies des valeurs extrêmes de la largeur (ex: 9 - 12 µ x 6 - 8 µ dans le cas de Tricholoma pardinum).
Aussi pour mesurer la taille des spores il ne faut pas se limiter à une seule, mais en mesurer un grand nombre, et dautre part opérer sur des spores mûres, cest à dire sur des spores de sporée (en principe!).
Nous ne terminerons pas sans dire un mot des pièges à éviter, par exemple:
Malgré tous ces pièges à éviter, ces techniques à apprendre, ces tour de main à acquérir, vous verrez que la microscopie donne un intérêt décuplé à la Mycologie. Parfois aussi des doutes et des questions supplémentaires, mais cest ce qui donne du charme à la chose et pousse à continuer!
Site de Marcel Lecomte sur la microscopie et les réactifs
chimiques: http://users.skynet.be/champignons_passion
Un autre site sur la microscopie avec plein de trucs et astuces à réaliser
soi-même: www.microscopies.com