Société Mycologique de Strasbourg |
Une leptonie italienne, de création
récente, en forêt du Rhin: Entoloma reinwaldii Noordel. & Hauskn. Seconde récolte signalée et première récolte française par Claude LEJEUNE En septembre dernier, par une après-midi caniculaire, nous avons récolté, dans la forêt de la Robertsau, une leptonie aussi ravissante que mystérieuse. Dans l’embarras où nous nous sommes bientôt retrouvés pour la nommer, quelque part entre Entoloma queletii et E. roseum, nous avons temporairement rapporté ce champignon à une variété non décrite ou méconnue d’une de ses deux espèces. Avant que M. A. Noordeloos, à qui nous avons récemment soumis photographie et micrographie, n’y reconnaisse une de ses dernières créations : Entoloma reinwaldii Noordel. & Hauskn. Il s’agirait, selon le mycologue hollandais, d’une seconde récolte. Notes de récolte Chapeau : plan légèrement convexe de 0,8 à 1 cm de diamètre, faiblement mais distinctement ombiliqué (très obtusément, cette dépression peu profonde n'excédant pas, en outre, le tiers de la surface du chapeau), d'un bel incarnat rosâtre, rose plus soutenu au disque. Surface très finement squamuleuse : ces mèches minuscules, plus ou moins attenantes et à peine redressées, sont disposées concentriquement autour de l'ombilic, qui est glabre, la cuticule ne s’y étant pas encore diffractée. Lames : d'abord blanches, puis rosâtres, enfin brique, un peu ventrues, pas très serrées, fortement échancrées à l'insertion, de brièvement décurrentes par une dent à plus nettement décurrentes en filet pour les lames complètes et sur le spécimen le plus épanoui (36 lames entremêlées de nombreuses lamellules - de 3 à 5 entre deux grandes lames - de toutes les longueurs). Arête entière. Stipe : élancé, de 5,5 à 7, 5 cm de long pour un diamètre
moyen de 1,5 à 2 mm, droit au sommet ou à peine un peu évasé sous les lames,
légèrement rétréci à la base. Très légèrement pubescent au sommet,
pratiquement lisse et poli ailleurs, sauf à l’extrême base qui est munie
d’un discret tomentum mycélien blanc. Distinctement
lavé d'incarnat pâle à la récolte, fonçant ensuite à rosâtre, entièrement
brique (comme tout le champignon du reste) en herbier. Ecologie : à terre dans un bois peuplé de peupliers, d’érables
et de noisetiers, parmi les (maigres) débris végétaux et les mousses peu
nombreuses d'un sol riche et calcaire, pauvre en litière.
Microscopie
(Voir dessin ci-après)
COMMENTAIRES Les Leptonies roses n’y sont en effet pas légion.
A côté d'E. queletii, on trouve encore cités E. roseotinctum
aurait un pied gris clair et un chapeau partiellement fibrilleux - ce qui suffit
à l'éliminer ; l'absence de teintes lilacines et surtout la présence de
cheilocystides écartent ianthinum ; Ne restaient plus en compétition dès lors que queletii et roseum. Or nous avons précisément trouvé à notre récolte et sur la seule foi de la littérature (Bon 1984, Breitenbach & Kränzlin 1995, Moser 1983, Noordeloos 1992) des caractères croisés de ces deux espèces, voire, pour queletii, des traits qui nous auraient paru définitivement rédhibitoires (Kühner & Romagnesi 1953, repris par toutes les autres clés) si, ayant soumis plusieurs photos de ces spécimen au forum Mycologia Europaea, les réponses n'avaient néanmoins d’abord convergé vers cette première détermination ; et si, ayant pris connaissance d'une clé publiée par M. Bon (1984) celle-ci n’avait paru relativiser certains caractères (mais non pas tous) embarrassants et mentionner par surcroît un mystérieux E. queletii ss. Pearson, rebaptisé alors E. roseum fo. pearsonii ad int. par Bon et ainsi sommairement défini : « A spores intermédiaires, d’environ 11-12 µ ; habitat plus banal ou non hygrophile (…). Quelque chose d’intermédiaire entre E. roseum et E. queletii»… Résumons les éléments qui ont alimenté notre
perplexité : Mais le trait revint aussi bien dans la clé de Moser que dans celle de Noordeloos, où il fait notamment le partage entre la stirpe roseum et la stirpe queletii, ce qui finit quand même par lui donner du poids ! Noordeloos ajoute à sa clé : stipe poli (stirpe roseum) – stipe densément strié-fibrilleux (stirpe queletii) – ce qui ne contribuait pas davantage à sceller une conviction en faveur de queletii ! 2. Les dimensions sporales données pour queletii
sont assez dissuasives, elles aussi : 12-15 µ (Romagnesi) ; ibid.
pour Moser qui a sans doute « copié » sur K. & R., mais qui
prend soin d’ajouter, « [espèce] insuffisamment
débrouillée » ; 10-13 µ pour Noordeloos ; et « jusqu’à
14-15 µ » pour 3. La forme des cheilocystides enfin. Noordeloos parle de cystides « cylindracées à subclaviformes» pour queletii, et en dessine quatre franchement et exclusivement cylindriques. Breitenbach & Kränzlin font de même : on est à mille lieux de celles que nous avons pu observer. Bien des caractères semblaient par conséquent désigner « par défaut » E. roseum (donné comme « Très rare » et d’habitat semble-t-il alpin ou subalpin) davantage que E . queletii. Mais l’opinion de ceux qui connaissent bien cette espèce et ne l’ont absolument pas reconnue au vu des photos fidèles et très détaillées que nous leur avions soumises, comme l’iconographie que nous avions consultée (Farbatlas der Basidiomyceten : pl. III – 14 ; Breitenbach et Kränzlin :T. 4 – N° 71 ; Bolets de Catalunya : pl. 819 ; Noordeloos : pl. 58 c ; R. Courtecuisse & Duhem : 948) rendaient cette assimilation tout aussi abusive. En désespoir de cause, nous avons soumis à
Machiel Noordeloos les photos et la micrographie ici représentées. Sa réponse,
(com. pers.) nous délivra définitivement
de la perplexité qui nous taraudait : Une clé temporaire réactualisée des “Entolomes présentant des tons roses ou lilas” aimablement jointe à cette réponse nous mena, de fait, directement à reinwaldii (au plus proche voisinage et dans la stirpe d’Entoloma roseum). A noter que les exemplaires de la récolte « princeps » figurés p. 27 dans le Bolletino mentionné, et d’habitat typiquement méditerranéen (Pistachiers, Cystes, Chênes kermès et Chênes verts), sont singulièrement plus imposants - toute proportions « leptonienne » gardées – que les nôtres : leurs chapeaux, qui dénotent en outre une cuticule hygrophane d’apparence fibrillo-squamuleuse, mesurant de 2,2 à 5 cm. Il convient bien sûr d’attendre et d’espérer d’autres récoltes non méditerranéennes pour savoir si ces différences macroscopiques (jointes à des cheilos un peu plus larges sur les spécimens italiens : jusqu’à 20 µ) relèvent de la plasticité de cette nouvelle espèce ou justifieraient, pour les récoltes « continentales », un rang variétal. Rappelons néanmoins que nos grêles spécimens avaient fructifié en pleine sécheresse ; et dans un biotope - la forêt rhénane - connu pour accueillir des espèces peu communes et notamment thermophiles. Remerciements Bibliographie
[1] En hommage à Karl
Friedrich Reinwald, « ami,
excellent photographe (…) et découvreur de l’espèce ».
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