Société   Mycologique de  Strasbourg


Fiche technique régionale: 
Découverte de Hypoxylon ticinense Petrini en milieu rhénan

par Daniel Doll et Paul Hertzog 

La forêt alluviale du Rhin

La ripisylve rhénane est une forêt relicte, proche par maints aspects de la forêt thermohygrophile tropicale. La richesse exceptionnelle de la flore arborescente, evec plus de soixante espèces ligneuses, est due au microclimat d’abri, qui garantit une température douce et un fort degré hygrométrique toute l’année. Sur les levées s’est établie une chênaie à orme, frêne et érable, alors que les bas-fonds, où l’eau est omniprésente, sont couverts de bois tendres, saules et peupliers. Sa structure en futaie claire laisse filtrer la lumière et favorise ainsi le développement spectaculaire des lianes (clématite, lierre, houblon) et de sous-étages forestiers, refuges pour oiseaux, insectes et... champignons.
Il n’est pas surprenant, dans ces conditions particulières, que le rare Hypoxylon du Tessin ait pu prospérer sur une bille d’érable de l’île du Rhin de Geisswasser.

Hypoxylon ticinense ©JL Muller SMHR
Photo © J.L Muller 

Notes de récolte 

Le champignon se présentait sous forme de croûtes bien adhérentes au substrat et rappelait de fait une espèce corticoïde. Il pouvait évoquer également une forme de quelque champignon imparfait. Les croûtes s’étalaient en plaques irrégulières (de 10 cm sur 3-4 cm pour la plus grande). Sous la loupe, la surface bosselée brun briqueté, plus vive et bordée de jaune orangé sur les champignons les plus frais, apparaissait verruculeuse à granuleuse.
Un examen plus minutieux révéla des stromas épais de 1 à 1,5 mm, noirs à la cassure, et orienta la détermination vers les Xylariaceae, la forme du stroma et la taille des spores vers les Hypoxylon.
- périthèces : diamètre et hauteur quelques dixièmes de millimètres.
- ostioles : un peu déprimés.
- spores : 5-7 x 2-3 µ, elliptiques/asymétriques, brunâtre pâle.

En résumé une espèce facilement reconnaissable à ses teintes, ses spores et son habitat thermophile.
Après son développement ce champignon perd de son éclat et les teintes jaune orangé s’estompent ou disparaissent.
Hypoxylon rubiginosa, espèce voisine, ne possède pas de bord jaune orangé et sa spore est plus grande (9-12 x 3-6 µ).

 

Récoltes et répartition

- Récolte alsacienne : Ile du Rhin en amont de Vogelgrun, à hauteur de Geisswasser ; le 24 avril 2002, sur tronc d’érable couché. MEN 3819A. Leg. D.Doll.

- Autres récoltes :

Tessin (Petrini, inventeur de l’espèce).
Forêt de Chizé, sur alisier et charme ; île de Ré (Michel Hairaud).
Région de Poitiers, sur Sambucus nigra (Pierre Leroy, Jean-Louis Surault).
Ariège, sur frêne, saule, tilleul… (Nicolas de Munnik).
Pyrénées Atlantiques (Françoise Candousseau).
Maine-et-Loire (Jean Mornand)
… et dans les Landes sur Crataegus, printemps 2002, par Patrick Laurent.

Répartition méditerraneo-atlantique ou thermophile donc.
La récolte alsacienne étant la plus septentrionale à notre connaissance.

Hypoxylon ticinense fera son entrée dans le temple des espèces rares ou remarquables où il complètera heureusement le riche inventaire des espèces rhénanes et dont nous donnons ci-après un petit aperçu :

Chaetocalathus craterellus (Vogelgrun)
Lentinus cyathiformis (= degener) (Vogelgrun)
Lenzites warnieri (Vogelgrun)
Leucopaxillus tricolor (Rhinau)
Mycena leptophylla (= roseipallens) (Vogelgrun et Rhinau)
Omphalina xylophila (Kembs)
Pholiotina aeruginosa (Rhinau)
Loweomyces fractipes (Rhinau)
Psathyrella melanthina (Vogelgrun)

Du sud au nord subsistent des vestiges de la puissante sylve rhénane de jadis, parfois sous forme de pâles reflets, parfois de reliquats intacts (Rhinau).
Les longs cortèges des champignons mycorrhiziques, et les comestibles classiques étant absents (discomycètes printaniers exceptés), les forêts rhénanes attirent peu – et c’est tant mieux ! Restent les mycologues… Que de trésors à (re)découvrir encore !
Les forêts du Rhin ne sont pas à la portée de tous… mais il faut savoir s’arracher à la routine et, de temps en temps, à son ordinateur. Les « petits frissons » de la découverte sont à ce prix. Nos amis mycologues bâlois l’ont compris depuis longtemps…

Remerciements à Jean-Louis Muller pour son aide documentaire et photographique.

Bibliographie et iconographie :

Petrini, L., 1986, Mycol. Helv. 1 :534
Cetto, B., 1993, I funghi dal vero vol. 7, foto n° 3001, Saturnia 
Lucchini, G., 1997, I funghi del Cantone Ticino e di altre regioni svizzere, foto n° 127

NDLR :
Le même article est publié conjointement dans le bulletin n° 19 (2002) de la SMHR.

 


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Dernière mise à jour le mercredi 31 juillet 2002