Société   Mycologique de  Strasbourg


Fiche technique régionale:
Omphalotus illudens (Schweinitz:Fr.) Bresinski & Besl, Beihefte Sydowia 8: 106 (1979)

par Dominique SCHOTT

= Agaricus illudens Schweinitz, (1822), basionyme
= Clitocybe illudens (Schweinitz:Fr.) Saccardo, Syll. fung. 5: 162 (1887)
= Panus illudens (Schweinitz) Fr.
= Omphalotus olearius (De Candolle:Fr.) Gillet, ss auct., synonyme
= Omphalotus olearius var. illudens (Schweinitz) A.Ortega & Esteve-Rav.,(2000), BGMB 33-1:51-52
Nom vernaculaire : Clitocybe trompeur, (du latin illudere= faire illusion)

L'automne 2002 à été l'occasion de recenser plusieurs récoltes d'une espèce peu courante mais néanmoins facile à identifier grâce à sa belle couleur orangée uniforme: Omphalotus illudens. La participation à divers congrès mycologiques dans le sud de la France nous a également donné l'occasion de découvrir à plusieurs reprises son vicariant méridional, appelé Omphalotus olearius,  et nous proposons ici une description comparative de nos récoltes.

Omphalotus illudens ©SMS 2002
Photo © D. Schott - Urlosenholtz 14.09.2002

Généralités:
Le genre Omphalotus Fayod se caractérise:
Macroscopiquement par des basidiocarpes de grande taille, omphaliformes, entièrement de couleur orangée vive à brun rouge, des lamelles très décurrentes, une sporée crème.
Microscopiquement par des spores lisses, non amyloïdes, non dextrinoïdes, à paroi épaisse et congophile, des basides le plus souvent tétrasporiques, l'absence de cystides, des boucles dans tous les tissus, et la présence de pigments intracellulaires ou incrustants.

Les deux espèces citées plus haut sont les deux seules du genre Omphalotus connues en Europe:  Les récoltes septentrionales étant apellées O. illudens , tandis que les récoltes méditerranéennes sont appelées O. olearius.. Ces deux espèces sont macroscopiquement très semblables, à tel point que durant longtemps elles furent considérées comme 2 formes écologiques d'une seule et même espèce (MARCHAND, 1971 ; PEGLER, 1977 ; WATLING, 1989), d'autant que dans certaines régions, en Italie par exemple, on peut trouver couramment les deux dans les mêmes biotopes. Pourtant, Romagnesi, dans sa flore analytique (1953)  admettait  déjà l'existence de deux espèces distinctes.

Plus récemment, Ortega A. et Esteve-Rav. dans BGMB 33-1:51-52, ont considéré, sur la base d'abondantes récoltes faites en Andalousie où ces deux espèces sont particulièrement fréquentes, que,  même si les caractères distinctifs permettent effectivement de dégager 2 taxons bien reconnaissables, macroscopiquement grâce à la couleur des basidiocarpes et à la réaction différente à la potasse, et microscopiquement grâce au pigment des hyphes de l'épicutis plus incrustants chez O. olearius que chez O. illudens, ils ne sont cependant pas suffisants pour les considérer comme spécifiquement distincts et proposent de placer O. illudens au rang variétal de O. olearius en recombinant O. illudens sous la forme Omphalotus olearius var. illudens (Schwein.) Ortega & Esteve, comb. nov.

Il est maintenant admis qu'il s'agit de 2 espèces différentes, et cette distinction est confortée par les récents travaux d'étude génétique sur le genre Omphalotus (Petersen, Ronald H. and Karen W. Hughes., 1998),  qui ont prouvé leur appartenance à des clades indépendants.

Plusieurs autres espèces d'origines américaines ou australiennes ont été décrites dans le genre omphalotus:
Mexique:     Omphalotus mexicanus Guzmán & V. Mora (1984)
Australie:     Omphalotus nidiformis (Berk.) O.K. Mill. (1994)
Californie:    Omphalotus olivascens H.E. Bigelow, O.K. Mill. & Thiers
                   Omphalotus olivascens var. indigo G. Moreno, Esteve-Rav., Pöder & N. Ayala (1993)
Floride:        Omphalotus subilludens (Murrill) H.E. Bigelow (1982), Floride

Nous nous intéresserons ici qu'aux deux espèces européennes que nous décrivons ci-dessous:

 

Descriptions de nos récoltes septentrionales se rapportant à O. illudens

Chapeau: (4)6 - 12(15) cm, voire d'avantage, convexe à l'état très jeune puis vite étalé à creusé déprimé, plus rarement infundibuliforme, souvent avec un mamelon, de couleur orangé vif, à revêtement brillant mais sec, satiné, marqué par des fibrilles radiales (loupe), et quelque fois avec des macules brun noir, marge étroite, plus ou moins régulière, longtemps enroulée tendant à se lober, ne se fissurant pratiquement pas avec l'age.
Lames: De même couleur que le chapeau, plus foncées avec l'age, fortement décurrentes, minces, serrées, étroites et fourchues, luminescentes dans l'obscurité. Sporée crème.
Pied:1-3 cm, élancé, 5-20 cm, concolore, rarement excentré, souvent courbé, rétréci à la base et presque radicant, plein, strié, pruineux, brunissant à la base. Mycélium jaunâtre.
Chair: Orangée, ferme, fibreuse à réaction verte intense et sombre aux bases (ammoniaque, potasse). Saveur douce. Odeur forte fongique ou rance.
Ecologie:
En touffe ou isolé, sur bois mort, souvent au pied d'une souche. Toutes nos récoltes ont été faites sur souche de chêne en décomposition.

Microscopie: Spores petites, 5 x 6 μm, subglobuleuses à elliptiques, trame régulière, arrête stérile, pas de cystides,  mais des poils d'arrête plus ou moins clavés avec aux extrémités des excroissances latérales ou en forme de tétine. Boucles nombreuses. Epicutis formé d'hyphes minces, 5 μm, couchées, alignées, avec un pigment intracellulaire sous forme de granules grossières éparpillées. Présence d'hyphes tortueuses, opaques, réfringentes, de couleur ocre. (Hyphes oléifères).

Matériel étudié:
DS, 20/09/00, Rosheim-Eichwald, sur chêne, DS, 14/9/02, Heiligenstein-Urlosenholtz, sur chêne.
Autres récoltes signalées : JP. Augst, 1980,1992, Cosswiller-ferme tirelire(67), chênes et charmes.
Des récoltes sont également signalées dans le Haut-Rhin(68) à Michelbach-le-Bas (Baumann) et à Gildwiller (Rastetter) et une récolte du côté de Soultzmatt. Côté lorrain une récolte signalée le 1/9/02 aux journées SLM à Languimberg  (Trichies).

Spores

Poils d'arrête

Hyphes du revêtement et hyphes oléifères

(O. illudens)

 

Description de nos récoltes méridionales se rapportant à  O. olearius (De Candolle :Fr.) Fayod

= Agaricus olearius De Candolle:Fr., basionyme
= Pleurotus olearius (De Candolle.) Gillet
= Clitocybe phosphorea Battarra
= Clitocybe olearia (De Candolle) Maire
= Omphalotus olearius (De Candolle) Singer, Pap. Mich. Acad. Sci. 32: 133 (1946)
Nom vernaculaire :  Clitocybe de l'olivier (Du latin olearius= qui pousse sur olivier)
                                 Ölbaumpilz (D)

Dans l'ensemble l'habitus et les caractères macroscopiques sont très comparables, nous nous limiterons donc à ne citer que les différences avec O. iludens.

Chapeau:  La couleur orangée est moins vive et moins uniforme que chez O. illudens, quelque fois plus pâle, jaune orangé, mais le plus souvent plus sombre, tirant plutôt sur le brun rouge ou le brun cuivré, peut-être aussi une tendance plus prononcée à se fissurer radialement (climat méridional plus sec ?).

Lames: Concolores. Sporée crème.
Pied: Identique, un peu brunissant
Chair: Réaction faible, verdâtre aux bases (potasse, ammoniaque)
Ecologie: Méridional, en touffe ou isolé, sur souche ou racines principalement d'oliviers, et de chênes verts (Quercus illex)
Microscopie: Hyphes du revêtement à pigment incrustant. L'absence d'hyphes oléifères serait aussi caractéristique , nous en avons cependant trouvé sur une récolte méridionale identifiée comme O. olearius !
Matériel étudié:
DS, 29/10/00, Col du Castillon(13), nombreuse récoltes sous Quercus illexDS 4/11/02, Aix(13), Q. illex

 

Une curieuse propriété: la luminsence:
Les espèces du genre Omphalotus possèdent une propriété remarquable: leurs lamelles sont luminescentes dans l'obscurité.
Faire l'expérience suivante: Prendre un champignon et se mettre dans le noir complet (plus facile à faire de nuit) et attendre l'accommodation de l'oil à l'obscurité durant quelques minutes. Ensuite fixer attentivement les lamelles: un halo de lumière verdâtre se distingue nettement.
Cette luminescence n'est pas, comme on pourrait le supposer, le résultat de l'accumulation puis de la restitution de la lumière du jour ou d'une quelconque lumière artificielle, mais elle est due à une réaction biochimique intracellulaire qui se produit entre certaines substances contenues dans les tissus du champignon.

Cette réaction consiste en l'oxydation d'une substance appelée la luciférine et est favorisée par la présence d'une enzyme, la luciférase. Lorsque elle se produit, il se dégage de l'énergie sous forme de lumière froide. Cette réaction biochimique a lieu dans l'ensemble des cellules de l'hyménophore, même au niveau des spores.

Les armillaires possèdent souvent les mêmes propriétés luminescentes.

 

Toxicité des omphalotus:
Toutes les espèces du genre Omphalotus sont toxiques et leur consommation entraîne un symptôme du type gastro-intestinal assez sévère: Sueurs, vertiges, douleurs et vomissements. La toxine en cause est l'illudine.
Ces intoxication ont lieu principalement dans le sud de la France où O. olearius est plus abondant  et  plus souvent confondu avec des espèces ressemblantes comme la chanterelle ou la fausse chanterelle.
O. illudens est  plus rare dans nos régions, et ses caractères bien différenciés (couleur, croissance en touffe) laissent peu de chance à une éventuelle confusion.

A ce sujet, voici une anecdote qui nous a été rapportée un jour par un membre de la société mycologique de Provence:  Suite à une intoxication de plusieurs personnes ayant consommés des Omphalotus,  la presse locale avait fait paraître un article portant le titre  "Intoxication à la girolle". La société mycologique locale a réagi en signalant au journal que la vraie girolle n'était pas en cause mais un champignon ressemblant avec lequel il est souvent confondu. Le journal a alors publié le rectificatif suivant : "Intoxication à la fausse girolle"

Ci-dessous un tableau comparatif de l'ensembles des caractères macroscopiques des espèces pouvant potentiellement être confondues avec une espèce du genre Omphalotus à savoir : Hygrophoropsis aurantiaca, Cantharellus cibarius  et espèces affines :

 

O. illudens

O. olearius

H. aurantiaca

C. cibarius et aff.

taille

grande taille

grande taille

taille petite à moyenne

taille moyenne

chapeau

orangé brillant

orangé-jaunâtre à brun rouge

jaune orangé pâle à orangé vif

blanchâtre à orangé vif (souvent prui-neux et roussissant

lames

serrées, très décur-

rentes, fourchues, luminescentes

serrées, très décur-

rentes, fourchues, luminescentes

concolores, serrées, fourchues, décurrentes

pas de lames véritables mais des plis interveinés, con-

colores, décurrents

pied

long, charnu, concolore, rétréci vers la base

long, charnu, concolore, rétréci vers la base

concolore, court et mince, noircissant

concolore, court, épais, ferme

chair

épaisse, fibreuse, réaction intense verte au KOH

épaisse, fibreuse, réaction faible, verdâtre au KOH

mince et molle

épaisse, ferme, blanchâtre, roussissante

sporée

crème-jaunâtre

crème-jaunâtre

crème

jaune ocracé

saveur

astringente

astringente

douce à amarescente

douce

odeur

forte

forte

faible

un peu fruitée

écologie

septentrional,

sur souches de feuillus

méridional, sur souche ou racines enfouies d'olivier ou de chêne (Q. illex )

à terre, sur débris ligneux ou sur bois surtout de conifères

à terre

 

Bibliograhie:
KIRCHMAIR & PÖDER, 2002, Why Omphalotus illudens (Schwein.) Bres.& Besl is an independent species, Revista Catalana de Micologica, vol 24 :215-223
LUDWIG E.,2001, Pilzkompendium Band, Beschreibungenn :469-471
DAHNCKE R.M., 2001, 1200 Pilze in Farbfotos, Bechtermïnz, :109
ORTEGA A., ESTEVE-RAVENTOS F., 2000, Omphalotus olearius var. illudens comb. nov., BGMB 33-1:51-52
HUGHES & PETERSEN, 1998, Relationships between Omphalotus species based on RFLP patterns of the ribosomal ITS1-5.8S-ITS2 region. Plant Syst. Evol. 211:231-237
HUGHES & PETERSEN1997, Mating systems in Omphalotus (Paxillaceae, Agaricales). Syst. Evol. 211:217-229.
BAS, KUYPER , NOORDELLOS, VELLINGA, 1995, Flora Agaricina Neerlandica, Volume 3, :89
COURTECUISSE R., DUHEM B. , 1994 - Guide des champignons de France et d'Europe, :402
BON M., 1988 - Champignons d'Europe occidentale,:50
BURR, G.J., 1985, Chemiluminescense and bioluminescence. Marcel Dekker, Inc. New-York
BRESINSKY A. & BESL H., 1979, Zum verwandtschaftlichen Anschluss von Omphalotus, Beih. Sydowia, 8,: 98-109
MALENÇON G, & BERTAULT R., 1795 - Flore des champignons supérieurs du Maroc, Tome 2, :133
MARCHAND A., 1971 - Champignons du Nord et du Midi, Tome 1 :90
KÜHNER R., ROMAGNESI H., 1953 - Flore analytique des champignons supérieurs, :140

 

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22 décembre 2002