Société   Mycologique de  Strasbourg


Quelques scauri ...  à la portée de tous

par Paul HERTZOG

" Ignorer les Cortinaires c’est méconnaître 30% des champignons de la forêt " . A. Bertaux.

 Les Scauri ou Bulbopodes appartiennent au genre Cortinarius sous-genre Phlegmacium, et sont caractérisés par leur chapeau visqueux et leur pied sec, bulbeux et souvent nettement marginé. Dans un précédent bulletin nous avons évoqué une poussée exceptionnelle de ces champignons en septembre-octobre 1998. Ils sont apparus conjointement en plaine, en montagne et dans le Sundgau..., souvent en quantité impressionnante. Nous avons souvenir de Cortinarius dibaphus qui fructifiait par centaines d’individus dans les ravines d’une sapinière pentue de la vallée de Munster ; d’une apparition surprenante de Cortinarius nanceiensis var. bulbopodius dans la forêt sommitale du Bollenberg ; des découvertes somptueuses de Cortinarius atrovirens et elegantior dans les bois du Sundgau ; ou encore des rangs serrés de Cortinarius odoratus aux effluves si caractéristiques dans certaines forêts riediennes.

Peu de mycophiles débutants sont attirés par les Cortinaires ; certains mycologues, même confirmés, sont rebutés… Il est vrai que les Cortinaires ou plutôt leur nombre, fait un peu peur, et l’étude de ce genre, dans sa globalité est, certes, affaire de spécialiste. Mais il n’est pas interdit de concevoir une approche moins systématique, limitée aux espèces caractéristiques, spectaculaires qui frappent le regard ou aiguisent la curiosité.

Le groupe des Scauri renferme de nombreuses espèces aux teintes vives et comporte en son sein les plus beaux spécimens de champignons. Est-il besoin de rappeler toutes ces épithètes évocatrices : splendens, elegantissimus, praestans, fulmineus, terpsichores… L’histoire des Scauri est surtout… belle ! 

Dans les lignes qui vont suivre nous nous proposons de présenter une série de Cortinaires Bulbopodes faciles à reconnaître, sans recours au microscope (souvent indispensable par ailleurs). Nous ne présenterons ni classement, ni clé de détermination, mais nous indiquerons pour chaque taxon évoqué la section à laquelle il appartient (cela facilitera une recherche éventuelle), et les traits différentiels qui le caractérisent (odeur, couleur…).

 

Scauri à odeur de farine

Cortinarius aleuriosmus Section Rapacei
Champignon à couleurs pâles, variant du blanchâtre à l’ocracé pâle. Port trapu, très charnu, marge longtemps involutée. Odeur farineuse forte.
La répartition de cette espèce reste imprécise. Nous l’avons vue à 2 ou 3 reprises, aussi bien dans le Bas-Rhin (exposition SMS Saverne 1998) que dans le Haut-Rhin. Rare.

Cortinarius dionysae Section Caerulescentes
Moins massif que le précédent. Tout dans les teintes gris-bleuâtre variant jusqu’au brunâtre. Lamelles toujours cyanées dans la jeunesse. Odeur nette de farine. Connu par nous sous feuillus en plaine (Widensolen) et au Bollenberg. Signalé par Lucien Klein près de Lutter (Sundgau) sous feuillus également.

Une forme olivacea a été décrite par Henry. Le chapeau accuse des teintes olive manifestes. Elle a été observée dans le vallon de St Marc et près de Wasserbourg (forêts mêlées) et semble donc submontagnarde. Ne pas confondre avec le suivant qui n’a jamais de lames bleuâtres.

Cortinarius flavovirens Section Orichalcei
Chapeau vert laiton parcouru de fibrilles plus foncées ou taché de brun ocracé. Lames et stipe jaune à verdâtre (différent de dionysae). Odeur de farine moins prononcée que chez les précédents et qu’il faut souvent provoquer (froissement).
Ce champignon nous est connu des forêts de Biesheim. Nous ne l’avons pas revu depuis au moins 10 ans. Il est vrai que ces bois qui se situent à la bordure orientale de la poche de Colmar sont marqués par un manque d’eau aux moments favorables aux poussées fongiques.
Très rare dans nos aires de prospection.

 

Scauri à odeur particulière (non farineuse)

Cortinarius odorifer Section Orichalcei
Beau champignon à chapeau brun orangé cuivré et marge souvent verdâtre. Lamelles et stipe jaune verdâtre. Chair pâle. Odeur forte, anisée, qui permet à elle seule une identification rapide.
Vallon de St-Marc (forêts mêlées). Klein le signale sous conifères près de Winkel (Sundgau). Assez commun.
Si l’odeur anisée fait défaut, penser à Cortinarius orichalceus.

Cortinarius odoratus Section Orichalcei
Chapeau jaune citron plus ou moins mêlé d’olivâtre, à disque sali de brun, lamelles jaunes puis olive brunâtre, stipe jaune. Odeur très forte, suave (fleurs d’oranger, Hebeloma sacchariolens) qui sépare C. odoratus des espèces voisines.
Commun dans quelques stations connues par nous. Biesheim, Widensolen.

Cortinarius suaveolens Section Calochroi
Même odeur que le précédent, mais chapeau jaune paille à café au lait et lames et stipe améthyste. Se reconnaît aisément à son odeur et à ses teintes cyanées.
Rarement observé dans la hêtraie calcaire du Sundgau, ce champignon apparaît épisodiquement aux expositions de la SMS (apport de Colette Zorn, hêtraie, Langensoulzbach). Assez rare.

Cortinarius xanthophyllus Section Orichalcei
Chapeau variant du rouge pourpré au violet ou au vert grisâtre. Stipe et lamelles jaunes. Espèce pas toujours facile à cerner, vu la grande variabilité des couleurs du chapeau. Heureusement la conjonction de 3 caractères permet une détermination assez sûre :

  • lames et stipe jaune éclatant
  • chair souscuticulaire violacée
  • odeur fine de cacao

Bollenberg, Wasserbourg, Fullern (Klein), Langensoulzbach (Zorn). Pas rare.

Cortinarius claroflavus Section Orichalcei
Champignon aux teintes peu vives, dans les tons jaune pâle à jaune ocracé sur le chapeau, dans les lames, sur le stipe, jusqu’à la chair, plus pâle toutefois. Odeur faible de radis ou de pomme de terre crue surtout à la coupe.

Résumé des caractères spécifiques :

  • couleurs jaunâtres à ocracées dans toutes les parties
  • odeur de rave
  • habitat sous feuillus en terrain calcaire

Rare. Widensolen, Forêt du Neuhof (Brolly).

 

Les Scauri bleus ou violets Section Caerulescentess

Cette section est difficile à débrouiller sans le secours du microscope (forme et ornementation des spores). Aussi, nous nous contenterons d’évoquer une espèce bien marquée par la présence d’une volve et quelques autres réagissant très vivement (encre rouge) à la soude.

Caractéristique de la section : chapeau bleuâtre, améthyste, violet, lilacin… pouvant se décolorer. Réaction aux bases non jaune. TL4 non violet.

Cortinarius vaginatopus ( = volvatus chez Moser et Tartarat) Sous-Section Caerulescentes
Chapeau et stipe bleu violet (Lepista nuda), lames bleuâtres rouillant par les spores, présence d’une volve très nette, blanche, membraneuse.
Nous avons découvert cette espèce dans… le panier d’un ramasseur de Pieds-Bleus dans le Ried de Sermersheim (67).
Champignon rare que nous n’avons vu qu’une seule fois.

Cortinarius sodagnitus Sous-Section Sodagniti
Espèce moyenne à petite aux teintes violettes accusées mais se décolorant vite en ocre jaunâtre au disque, les bords restant longtemps violet à rose pourpré.
Réaction " encre rouge " aux bases sur la cuticule, et là seulement (pas de réaction sur la chair !). Feuillus, souvent sous les chênes.
Présent souvent aux expos SMS en provenace des Forêts du Rhin.
Massif du Hohlandsberg, près de Colmar
Lutter, sous feuillus (Klein)
Forêt du Neuhof-Illkirch (Brolly)

Cortinarius dibaphus Sous-Section Sodagniti
Champignon d’un beau violet, se décolorant moins vite, ou taché de brunâtre. Saveur amère. Réaction " encre rouge " sur la chair, nulle sur la cuticule.
Sous sapins. Vallon de St-Marc, Wasserbourg. Peu commun .
Une variété nemorosus a été décrite. Même chimisme, mais habitat sous feuillus.

Cortinarius arcuatorum Sous-Section Sodagniti
Chapeau fauve ocré, lavé d’incarnat, avec un hâle lilacin vers la marge. Lames lilacines et stipe violeté au sommet. Chair amère. Réaction sur la chair seulement.
Les individus âgés ressemblent à de gros hébélomes. Sous feuillus. Assez commun dans les forêts riediennes. Biesheim. Sermersheim . Forêt du Neuhof-Illkirch (Brolly).
Cortinarius pulcherrimus, réaction positive sur la cuticule et sur la chair, nous est inconnu.

 

Quelques Scauri aux couleurs éclatantes

Cortinarius splendens Section Fulminei
Taille petite à moyenne. Couleurs jaune d’or sur tout le sporophore et dans la chair. Nuances citrines dans les lames et sur le stipe. Chapeau portant typiquement quelques macules brun pourpré au disque. Pas d’odeur particulière. Rare.
Hardt. Lutter et Hirtzbach sous feuillus (Klein) ; Neuhof-Illkirch (Brolly).
Espèce souvent confondue avec des taxons voisins (citrinus, pseudosulphureus… ou avec le suivant !)

Caractères différentiels :

  • sporophore uniformément jaune d’or
  • chair jaune d’or (coupe)
  • pas d’odeur notable
  • absence de nuances lilacines ou vertes

Cortinarius meinhardii (= vitellinus = splendens var. majusculus )
Appartient à la même série. Taille généralement plus grande. Chapeau plus assombri que chez le précédent. Odeur désagéable (terreuse vers Tricholoma sulphureum mêlée à une odeur de pâtisserie). Habitat sous conifères.
Forêt du Neuhof (Brolly)

Cortinarius ionochlorus Section Orichalcei
Un des plus beaux champignons assurément !
Lamelles jeunes contrastant avec le jaune du stipe et les teintes plus ou moins vertes du chapeau. Peut ressembler à C. odoratus vu du dessus. Il suffira de retourner le champignon ou de le renifler si les nuances lilacines des lames se sont estompées
Très rare. Widensolen et Bollenberg. Feuillus calcaires sous chênes.

Cortinarius atrovirens Section Orichalcei
Chapeau très foncé, vert olive à noirâtre contrastant avec les lames et le stipe jaune de chrome. Les formes peu sombres peuvent ressembler au précédent. La couleur des lamelles fait la différence.
Pas rare dans les sapinières calcaires du Sundgau. Winkel, Lutter (Klein).

Cortinarius rufoolivaceus Section Orichalcei
Chapeau rouge pourpre ou cuivre un peu vineux, plus lilacin au bord, lamelles vert olive, stipe à sommet lilas et bulbe rouge feu.
" Tout en contrastes… ce Cortinaire frappe l’œil et ne s’oublie plus " (A. Marchand)
Pas rare aux bordures calcaires de nos forêts de plaine. Biesheim, Widensolen. Souvent isolé.
Nombre des espèces évoquées ci-dessus ne se trouvent pas facilement. Certaines peuvent manquer pendant des années quelquefois. Mais leur découverte et leur détermination seront toujours source de joie.

Cette approche timide poussera peu-être l’un(e) ou l’autre vers l’étude, même partielle, de ce genre si attrayant par sa diversité. Pour conclure écoutons G. Chevassut, cortinariologue bien connu :
" L’histoire des Cortinaires est une longue, belle et passionnante histoire. Longue par la multiplicité des formes ; belle par le côté esthétique donné par la somptuosité des couleurs de nombreuses espèces ; passionnante par la difficulté de détermination… " (G. Chevassut)

 


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Dernière mise à jour le dimanche 24 octobre 1999