Société   Mycologique de  Strasbourg


Fiche technique régionale: Boletus sanguineipes Panzera

par Jean Pierre Augst
augst@ifrance.com

Ordre des Boletales, Famille des Boletacea,  Genre Boletus Section Calopodes.
Boletus radicans Persoon 1801 : Fr  - f. sanguineipes Panzera 1996 nom. inval.

Depuis 5 ans je récolte régulièrement entre juin et septembre, devant mon immeuble à Strasbourg Hautepierre une forme atypique de Boletus radicans. ( B. albidus est synonyme) 3 à 4 poussées d’une dizaine d’exemplaires apparaissent toujours au même endroit sur une petite parcelle( 3m x 2m) d’arbustes aux papillons (Buddleja ) sur terre rapportée calcaire. Les poussées interviennent généralement après une période humide suivie de fortes chaleurs.L’an dernier hésitant entre Boletus fechteneri et Boletus radicans je consultais le forum. Après quelques débats s’appuyant sur les photos transmises et mes observations, une tendance très nette se fit vers Boletus radicans
Si de nombreux caractères morphologiques correspondent à cette diagnose,  3 caractères observés ne « collent » pas , à savoir :

-         chair rouge sang à la base du pied
-         odeur agréable de noisette ou de chicorée
-         saveur plutôt douce.

La 2eme poussée de cette année est apparue en pleine canicule en première semaine d’août. J’en profitais pour refaire une série de clichés et le forum fut à nouveau mis à contribution où j'appris que G. Panzera a créé en 1996 une variété de B. radicans à chair du pied rougissant à savoir Boletus radicans f. sanguineipes.

Sur une 3ème récolte faite le samedi 6 septembre 2003, j'ai noté une saveur douce au début, devenant légérement amarescente après mastication et une nouvelle fois la chair rouge à l'intérieur de pied.

Lannoy & Estades décrivent de leur côté dans le tome 6 des Documents Mycologiques hors série «  Les Bolets »  page 103 un Boletus sanguineipes (Panzera 1997) , avec seulement trois récoltes en Italie, et possédant du rouge à l'extérieur comme à l'intérieur du pied. Cependant en consultant les publications de Panzera, on apprend que la couleur rouge du pied pouvait apparaître aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ce qui colle bien avec mes récoltes et toutes ces observations plaident en faveur du Boletus sanguineipes décrit par Panzera.

Boletus sanguineipes ©SMS -2003
Photo © J.P. Augst

Description macroscopique du Boletus radicans f. sanguineipes trouvé à Strasbourg
Port typique de B. radicans tel que décrit dans les ouvrages.

Chapeau : hémisphérique atteignant 25 cm pour certains exemplaires récoltés - couleur blanc sale à beige - revêtement feutré sec présentant très souvent des crevasses probablement liées aux conditions de sécheresse coïncidant avec les poussées - cuticule débordante.

Tubes et pores: jaune citrin bleuissant au toucher.

Pied : bulbeux chez les jeunes exemplaires puis ventru prolongé par un « pseudo sclérote » ou une base radicante ( selon les récoltes).
De couleur jaune d’or sur les exemplaires frais et jeunes il devient progressivement brunâtre à partir de la base en se développant. Sous le chapeau subsiste un collarium jaune ( Il en est  fait mention dans la description de Lannoy & Estades pour B. sanguineipes), ainsi qu’un réseau court localisé dans la partie supérieure du pied.

Chair du chapeau : blanchâtre à jaunâtre bleuissant à la coupure dans le chapeau.

Chair du pied : Il s’agit là du caractère qui différentie la récolte de la forme type de radicans . Couleur blanchâtre à jaunâtre bleuissant à la coupure sur la totalité du pied de certaines récoltes jeunes, elle présente à la base une coloration allant du saumoné brunâtre à rouge sang sur la majorité des espèces matures. A signaler que ces parties colorées ne se teintent pas en bleu à la coupure. Il reste cependant un point à vérifier par rapport à la description de Lannoy & Estades ; selon eux, B. sanguineipes présenterait du rouge sang sur le pied, ce que je n’ai jamais observé sur mes récoltes…

 Saveur : plutôt douce ce qui n’est pas le cas B. radicans dont la saveur est donnée comme plus ou moins amère.

Odeur :  de chicorée et de noisette se renforçant en séchant . C’est bien un des caractère mentionné pour B. sanguineipes alors que pour B. radicans l’odeur serait plutôt désagréable selon les auteurs.

Mes investigations s’arrêtant là pour l’instant et avant de valider cette nouvelle récolte pour l’Alsace, il conviendra de compléter cette étude sur la base de la publication de Enzo Migliozzi dès qu’elle nous parviendra . Disposant de 3 spécimens « lyophilisés » par la canicule il sera possible de les présenter au prochain congrès de la SMF à St Dié .

Une fois de plus après les trouvailles de Clathrus ruber  ( Bulletin SMS N°81 de décembre 2001)  et celle de Hericium erinaceus ( Bulletin SMS N°87 de mars 2003) , la ville de Strasbourg et sa banlieue semblent nous réserver quelques surprises…
Point n’est besoin d’aller loin pour faire de la mycologie…

Bibliographie :

Lannoy, G., Estades, A., 2001, Flore mycologique d’Europe, tome 6 Les Bolets, DM hors série, p. 102-103
Panzera G., 1997, RdM (4) :303-309, Boletus sanguineipes sp. nov.
Panzera G., 1996, RdM (2) :151-154, Boletus radicans f. sanguineipes ad interim, nom. inv..
Courtecuisse, R., Duhem, B., 1994, Guide des champignons de France et d’Europe,  Delach. et Niestlé, p. 428-429
Breitenbach, J., Kränzlin, F., 1991, Champignons de Suisse, tome 3, Myk. Lucerne, p. 60-61
Bon, M., 1988, Champignons d’Europe occidentale, Arthaud, p. 36-37
Kühner, R., Romagnesi, H., 1978, Flore analytique des champignons supérieurs, Masson, p.38
Marchand, A., 1974, Champignons du Nord et du Midi, tome 3, SMPM, p. 36-37

Remerciements:

Nous remercions Guy Redeuilh qui a bien voulu nous donner son avis sur ces récoltes Strasbourgeoises.
Il pense que B. sanguineipes n'est une simple variation "normale" de B. radicans qui selon lui est un bolet est assez "fantasque".
Sur la base de récoltes effectuées depuis plus de 20 ans, il a pu observer à peu près tout et son contraire : amer ou pas amer, pied radicant ou non, présence ou non de rouge-rougeâtre sur le pied, chapeau gris clair blanchâtre mais se teintant parfois de rose (!), pores jaunes mais parfois teintés en partie de rose-rouge, réseau présent ou absent, chapeau craquelé ou non, et enfin chair rouge (assez commun) ou non à la base du pied. Toutes ces variations étant des plus aléatoires ...

à suivre …

NDLR : Le forum évoqué par Jean-Pierre Augst n’est pas Mycologia europeae comme on aurait pu le penser en voyant une intervention de notre ami belge Jean-Jacques Wuilbaut mais Mycoest, le forum de la FME, auquel Marcel Lecomte, non moins ami et non moins belge, qui publie un article dans ce bulletin, est également connecté. Voilà pour le moins une notion de grand Est élargie.

 

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