Société Mycologique de Strasbourg |
Fiche technique régionale: Inocybe
patouillardii Bresadola.
par Gérard SICK Description Chapeau conique s'étalant pour atteindre 80 mm de diamètre, surface beige clair, couverte de fibrilles radiales plus ou moins contrastées. Pied atteignant 80 mm de longueur, cylindrique ou faiblement bulbeux, beige clair. Lames gris beige très clair, devenant gris brun. Toutes les parties du champignon, mais surtout le chapeau, rougissent plus ou moins fortement par blessure ou avec l'âge. Poussée en mai - juin. La description ci-dessus est minimaliste mais correspond à ce que peut constater sur le terrain un mycologue généraliste, plutôt enclin à se détourner des Inocybes, et l'amener à penser voire à prononcer "I. patouillardi". Les descriptions complètes de l'espèce sont suffisamment abondantes pour qu'il ait semblé peu utile d'en rajouter une cent et énième.
Récoltes recensées A. BRAUN (courrier) : - Saverne, jardin botanique, près des orchidées, "terrain neutre ou peu acide". D. DOLL (dans courrier P. HERTZOG) : - Wintzenheim, Chapelle des
bois, "sur argile rouge". J-J. GRUNENBERGER : - Mulhouse, forêt du
Thannenwald à proximité du jardin zoologique. P. HERTZOG (courrier) : - Forêt de Biesheim, dans le
prolongement des massifs forestiers Hardt-Nord, "dont les bordures
orientales abritent souvent des espèces calciclines dont Boletus satanas". A. LAISNE (courrier) : - Still, trois lieux rapprochés, "Sur accotements. Dans l'herbe ou sur terrain nu. Toujours sous hêtres. Juin.". "Reconnu comme calcicole notoire, sa présence dans un environnement acide m'a longtemps fortement intrigué. J'ai enfin pu obtenir une explication que je pense plausible : pour le renforcement et la réfection des routes forestières, il a été utilisé dans le passé des quantités importantes de pierres en provenance d'une carrière calcaire de la région.". V. RASTETTER : - Forêt de la Hardt, le long du Rhin, "avant la saison mycologique". G. SICK :
Les secteurs Baerenthal, Eguelshardt/Bellerstein et Mouterhouse ont été signalés par B. WOERLY. Les lieux Saverne et Forstheim (ce dernier plus connu comme Mertzwiller) ont fait l'objet de sorties SMS. J. TRENDEL (courrier) : - Saverne, jardin botanique. M. TSCHIRHART (dans B. CROZES 1999 et courrier CROZES) : - Illfurth, colline calcaire en lisière nord du cimetière militaire allemand, "des dizaines d'exemplaires à la fois. Chênes et autres feuillus." Commentaires L'Inocybe de Patouillard est une espèce "facile", dont l'identité se laisse soupçonner sur place. Sa nomenclature était stable jusqu'à ce que KUYPER la rebaptise I. erubescens sur la base d'une antériorité de quelques jours. Il s'en est suivi l'habituelle tempête dans l'habituel verre d'eau où, après d'innombrables tempêtes, il reste quand même encore de l'eau. Le sujet passionne surtout les spécialistes en nomenclature. Il a paru plus utile de développer un aspect de l'écologie de l'espèce. Sur l'ensemble des lieux de récolte personnelle dans les Vosges du nord, les cinq qui sont connus avec une précision métrique sont détaillés et commentés ci-après. Un retour sur les lieux a été fait début février pour étudier le terrain et faire un relevé botanique forcément incomplet car limité aux arbres et aux mousses pour cause d'hiver. Les espèces acidiclines à large amplitude sont partout majoritaires; il a été relevé quelques espèces acidiphiles à acidiclines; il n'a pas été relevé d'espèce liée à un sol neutrophile ou calcicole. - Le secteur Baerenthal / Kundschaft est situé au bord d'une route forestière bitumée à flanc de colline, dans une éclaircie d'une vingtaine de mètres dans une pessière. L'éclaircie comprend quelques hêtres. La récolte a été faite dans un déblai raide, à environ 1 m au-dessus du niveau de la route. Le sol y est gréseux, recouvert partiellement d'un humus brun superficiel. Le sol à cet endroit est vraisemblablement naturel. - Le secteur Eguelshardt / MF Bellerstein est une route forestière avec enrobés, au départ d'un chemin sans revêtement. Le lieu exact a été noté "tout près du macadam", il se situe à plus de 3 m de feuillus et conifères mêlés. La route étant rehaussée de quelques cm, il y a peut être un remblai de nature inconnue. Le sol à cet endroit peut être artificiel. - Le secteur La Petite Pierre / Weidenthal a permis 2 récoltes dans 2 lieux séparés d'une centaine de mètres, tous deux le long d'une route départementale. Au premier lieu, la route est à niveau avec le sol environnant. De profil, la route est bordée d'une partie enherbée suivie d'un fossé d'environ 1 m de large sur 50 cm de profondeur puis d'une nouvelle partie enherbée d'environ 50 cm de large précédant la forêt. Les arbres les plus proches sont des charmes, puis des hêtres. Toute la lisière de la forêt est taillée pour ne pas déborder vers les poteaux téléphoniques implantés sur le bord extérieur du fossé. La récolte a été faite contre un des poteaux, sur un sol brun un peu moins sablonneux que d'habitude dans les Vosges du nord (il y a des prairies à moins de 500 m). Le profil du sol au lieu de récolte a été modifié mais sa composition est peut-être naturelle pour l'endroit. Au deuxième lieu, la route est surélevée de plus d'un mètre par rapport au sol environnant. Le lieu exact a été noté " sur le remblai, près du pont". Le sol à cet endroit est certainement artificiel. - Le secteur Niederbronn / Trois chênes est un sentier forestier du Club Vosgien, suffisant pour une personne, taillé en ligne droite au travers d'une faible pente. Il y a des châtaigniers (espèce acidiphile de large amplitude, sol assez pauvre en bases et pauvre en calcium) en exemplaires pas rares et disséminés; et des chèvrefeuilles (espèce acidiphile à acidicline) en quelques spécimens disséminés. Un remblai d'origine extérieure est improbable parce que inutile avec un déblai ne dépassant pas 10 cm. Le sol à cet endroit est vraisemblablement naturel. Les autres lieux ne sont pas détaillés parce qu'ils n'ont pas été relevés avec une précision suffisante. Dans un milieu collinéen perturbé par des voies de communications artificielles, la nature du sol est trop variable pour être estimée globalement. Ainsi par exemple au premier lieu décrit du secteur La Petite Pierre / Weidenthal, il a été récolté d'un côté de la route I. patouillardi ("on calcareous soil" selon KUYPER) et de l'autre côté I. sambucina ("on (very) nutrient-poor, acid sand" selon le même auteur). Il n'y a pas de contradiction car I. sambucina a été récolté dans le flanc d'un fossé creusé dans le sable rose, un lieu peu distant mais au sol très différent de celui où a été récolté I. patouillardi. En résumé, 2 des 5 lieux de récoltes analysés correspondent au sol typiquement gréseux, acide et pauvre de la partie centrale du Parc des Vosges du nord, 1 lieu lui correspond assez bien, pour les 2 lieux restants, la nature du sol n'a pu être estimée. Sauf les secteurs signalés par B. WOERLY dont Eguelshardt / MF Bellerstein décrit ci-dessus, les autres récoltes sont dues au hasard de promenades sans but mycologique (ce n'est pas encore la saison); elles ne résultent pas de recherches spécialisées. Ceci laisse supposer que I. patouillardi est présent ailleurs dans les Vosges du nord, approximativement le couloir laissé en pointillé au nord du massif vosgien par B. DANGIEN. Après l'aspect terrain de l'écologie de l'espèce, voyons ce qu'il en est de l'aspect littérature. Celle-ci est très abondante puisque dans seulement 2 bibliothèques, celles d'un parent généraliste (R. BANNWARTH) et la mienne, il a être relevé plus de 80 titres traitant de l'espèce, d'une manière ou d'une autre. Beaucoup de mycologues faisant la relation I. patouillardi = calcaire, il ne sera traité ici que des rapports de l'espèce avec le calcaire. - Parmi les auteurs n'utilisant pas le mot "calcaire", HEIM n'inclut pas I. patouillardi dans les espèces adaptées à un milieu strictement calcaire, STANGL écrit "auf besseren Böden" et DANGIEN écrit "sols assez riches en bases échangeables". - 8 titres font une association avec un sol calcaire en précisant explicitement qu'il ne s'agit que d'une préférence. Parmi eux, KUHNER (1955) "sous feuillus notamment en terrain calcaire" et ROMAGNESI (1970) "surtout en terrain calcaire ou neutre". - 14 titres (la grande majorité) font une association avec un sol calcaire sans plus de précision. La formulation s'interprète instinctivement comme un milieu obligé. - 1 seul titre réserve explicitement I. patouillardi à un sol calcaire. Dans un article volontairement simplifié destiné à susciter des vocations dans le genre Inocybe, CHEVASSUT et BERTEA ont constaté sur les Inocybes en général que "du point de vue du sol, les renseignements sont plus précis" et écrivent "I. patouillardi ne pousse que sur un sol calcaire, observation que nous avons eu l'occasion de confirmer ce dernier printemps". Dans BREITENBACH et KRÄNZLIN, l'expression "sur sol très alcalin" peut facilement s'interpréter comme un critère restrictif. Que peut-on tirer de la littérature? Il y une impression personnelle diffuse, que le temps manque pour confirmer, que c'est surtout dans les ouvrages récents qu'on associe sans nuance I. patouillardi et calcaire. Peut-être a-t-on sacrifié la nuance à la concision pour faire entrer un grand nombre d'espèces dans le moule d'un "petit guide de poche". Les mots "surtout" et "notamment" employés par ROMAGNESI et KUHNER sont des adverbes faits pour modifier le sens d'autres mots. Devenus gênants parce que c'est trop long, ils ont été omis une fois puis régulièrement par ce qu'on appelle pudiquement des compilations et ainsi, au fil du temps, l'écologie théorique est de plus en plus déformée. Cela peut s'analyser comme un conditionnement intellectuel par effet cumulatif, tout comme à force d'entendre et de voir présenter une jeune et trépidante personne comme un (e) chanteur (se) on se laisse aller à en dire autant et, dans les cas graves, à le croire contre toute évidence. Au vu des récoltes dans le Parc des Vosges du nord et de leurs circonstances, il ne s'impose pas que I. patouillardi soit strictement lié au calcaire. Bilan : 2 pages pour (tenter de) revenir un demi siècle en arrière. Le même écart entre l'écologie réelle et l'écologie littéraire a été constaté pour d'autres Inocybes. Cela a fait que, depuis des années déjà, je n'ai personnellement plus rien à faire de l'écologie lors de la détermination d'un Inocybe. C'est une position extrémiste que je ne peux proposer de partager. Ceci étant, la réaction consistant à rechercher une explication à ce qui apparaît comme une anomalie est compréhensible. Près du secteur Eguelshardt / Erbsenberg, il y a deux chemins forestiers revêtus de pierres calcaires, comme dans le cas des récoltes LAISNE, composition confirmée par le test avec HCl. C'est peut-être assez pour fausser l'écologie et une raison suffisante pour n'avoir détaillé que les lieux connus exactement. De mes anciens entretiens avec J. TRENDEL ne subsiste pas l'impression d'un homme à qualifier un sol au vu d'une seule espèce mais il me souvient d'avoir entendu "I. patouillardi n'est pas rare dans les Vosges du nord, Obersteinbach, …". Sources Au vu de l'abondance de la littérature mycologique traitant de l'espèce, il ne sera recensé ici que les bulletins de la SMS ou de la SMHR donnant une indication géographique et les ouvrages cités. BREITENBACH J.,
KRÄNZLIN F., 2000. Champignons de
Suisse (5). Lucerne, Mycologia, 340 p.
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