Société   Mycologique de  Strasbourg


Mycènes à odeurs alcalines

par Paul HERTZOG

L’étude des mycènes n’est pas facile, surtout sans le secours du microscope ; mais ces petites plantes souvent très gracieuses interpellent le mycophile.
De nombreuses coupures se basant sur des caractères macroscopiques ont été proposées dans la littérature :

les « mycènes à lait » dont la chair laisse écouler un latex à la cassure
les « Calodontes » qui ont l’arête des lames soulignée
les « mycènes visqueux », etc.

Notre propos se rapporte à une série de mycènes ayant comme dénominateur commun l’odeur alcaline (avec toutes ses nuances et interprétations diverses) que l’on a comparée aussi à celle du nitre, de l’eau de javel, des pétales de coquelicots froissés… cette odeur peut être plus ou moins forte et constante, ou faible, inconstante ou encore mêlée à une autre composante (iodée, raphanoïde…).

Nous apportons pour la plupart des espèces évoquées des précisions sur leur répartition dans la région, ainsi que quelques références iconographiques.

LEGENDE :
BK = Breintenbach & Kränzlin, Champignons de Suisse (tome 3)
Bo = M. Bon, Champignons d’Europe occidentale
CD = Courtecuisse & Duhem, Guide des champignons de France et d’Europe
Ce = Cetto, I funghi dal vero (tomes 1 à 7)

Mycena niveipes Murrill

C’est un vrai sosie de Mycena galericulata caractérisé par son stipe blanc, cassant, son habitat lignicole, son apparition précoce (dès le moi de mai) et son odeur nitreuse, pas très forte, un peu inconstante, suffisante pourtant pour induire en erreur (nous l’avons vu déterminé Mycena galericulata par des débutants).
Pas rare dans nos forêts de plaine (Rouffach, Herrlisheim, Biesheim, Brunstatt…). Ne pas confondre avec Mycena abramsii à odeur un peu raphanoïde, et surtout avec Mycena galericulata.
Ico : Ce 561

Mycena renati Quélet (= flavipes)

Nous préférions l’épithète flavipes bien plus évocateur. En tous cas ce Mycena est facilement reconnaissable à son chapeau rose brunâtre, son stipe jaune doré, sa croissance en touffe sur feuillus et son odeur nitreuse assez intense. Précoce comme le précédent. Bien répandu dans les forêts de plaine : Heiteren, Ostheim, Rouffach. Egalement dans le Sundgau, Brunstatt, Hirtzbach, Wolschwiller…
Ico : BK 359, CD 567.

Mycena viridimarginata P.Karsten (= luteoalcalina)

Encore un nom évocateur sacrifié à la modernité. Le chapeau ridé strié, plus ou moins brun n’accuse aucune nuance rose et est bordé de jaune olivâtre. L’arête des lames également est bordée de brun ou de jaune olivâtre, quelquefois sur 2-3 mm seulement au bord du chapeau. Le stipe est brun jaune ou plus ou moins concolore. L’habitat sur souches de conifères le sépare définitivement de Mycena renati. Odeur alcaline forte.
Cà et là en montagne jusqu’à 1200 m. Côte 1000, Rotried, Breitfirst.
Ico : BK 370, CD 581.

Mycena olivaceomarginata Massee (Massee) (= avenacea)

Voici une troisième espèce pouvant présenter des nuances olivâtres sur le chapeau, l’arête des lames ou le stipe, les couleurs de base étant plutôt dans les tons gris bruns. Odeur nitreuse faible.
Cette espèce nous est surtout connue des pelouses, pâtures et landes. Sundhoffen, Hirtfelden.
Dans ce même groupe (arête soulignée d’olive), Courtecuisse cite Mycena thymicola, plus foncé, qui nouq est inconnu ; quant au Mycena citrinomarginata il sent plutôt la rave et vient dans les bois.
Ico : CD 564, Ce 2360.

Mycena albidolilacea Kühner & Maire

Ce taxon ne figure pas encore dans les inventaires mycologiques régionaux. Nous l’avons rencontré une seule fois dans l’Illwald près de Sélestat, en mai 1996. Ce champignon blanc porte des traces lilacines sur le chapeau notamment, qui s’accentuent après la cueillette . Il poussait en petites touffes à terre ou sur bois très pourri et dégageait une odeur alcaline légère mêlée à une composante raphanoîde au froissement. Quelques temps après la cueillette l’aspect du chapeau évoquait vaguement Cystolepiota bucknalii.
Très rare dans la région. Signalé par Wilhelm à Sondersdorf.

Mycena ammoniaca (Fr.) Quélet

Habitué des pelouses, ce petit Mycena tout dans les tons brun gris, a la marge plus pâle, très striée, les lamelles pâles, et sent fortement les pétales de coquelicot froissés.

Mycena aetites (Fr .) Quélet, parfois confondu ou synonymisé vient dans les mêmes stations ; ses lames sont plus sombres et son odeur de rave est inconstante.
Ca et là, vallée de Thann (Storckensohn), vallée de Munster, Bollenberg, Wintzfelden.
Ico : BK 315, CD 572 et 573, Bo 184.

Mycena leptocephala (Pers. : Fr.) Gillet

Ce champignon pousse généralement dans les aiguille de conifères. On le reconnaît à ses teintes grisâtres, son chapeau à peine strié, un peu pruineux, et à son odeur nitreuse intense.
Souvent précoce, il est bien répandu dans les forêts vosgiennes. Wintzenheim, Wasserbourg, Zimmerbach.
Ico : BK 345, CD 577, Bo 184.

Mycena capillaripes Peck

Chapeau blanc sale à rosâtre, arête des lames soulignée de brun rosâtre et odeur alcaline constante à l’état frais (puis herbacée raphanoïde !) caractérisent l’espèce. Comme le précédent ce Mycena vient volontiers en troupes sous conifères.
Signalé dans le Bas-Rhin et au Bickenberg (68).
Confusions possibles :

Mycena rubromarginata n’a pas d’odeur particulière.
Mycena sanguinolenta, à arête rosée, sans odeur, laisse écouler un latex rouge sombre à la cassure.

Ico : BK 322, CD 562, Bo 180.

Mycena alcalina (Fr. : Fr.) Kummer

Typiquement ce Mycena pousse en touffes sur souches ou brindilles diverses. Macroscopiquement il est proche de Mycena leptocephala.
A ce jour on décrit 2 espèces (l’épithète alcalina étant mal utilisé) :

Mycena silvae-nigrae Maas Geesteranus & Schwöbel et
Mycena stipata des mêmes auteurs

Leur distinction repose essentiellement sur des caractères microscopiques.
M. silvae-nigrae (basides bisporiques, spores largement elliptiques mesurant 8-15 / 7-10 µ)
Signalé à Wihr-au-Val, Munster.
Ico : BK 365, CD 582.
M. stipata (basides tétrasporiques, spores plus petites, mesurant 7-10 / 5-6 µ)
Signalé à Wihr-au-Val, Widensolen, Stosswihr, Zimmerbach.
Ico : BK 367.

Mycena strobilicola Favre & Kühner

Ce champignon vient typiquement sur cônes d’épicéas enfouis au tout début de l’année.
Ces 3 derniers taxons (stipata, silvae-nigrae, strobilicola) se ressemblent beaucoup. Les récoltes sur le terrain sont donc de première importance.
M. strobilicola a été signalé au Petit-Ballon, au Bickenberg, à Munster et à Raedersdorf..
Ico : BK 368, Ce 556.

D’autres espèces à odeur nitreuse ont été décrites :

- Mycena pilosella, tout pruineux, sous chênes.
- Mycena ustalis, brun noir, sous genévriers.
- Mycena algeriensis.
- Mycena seynesiella.

Tous ces champignons, rares probablement, n’ont pas été signalés dans la région.

 

RECAPITULATIF SOMMAIRE

A – ARETE SOULIGNEE (au moins au bord du chapeau)

- Arête brun olivacé Ecologie : pelouses M. olivaceomarginata
- Arête brun olive Ecologie : bois de conifères M. viridimarginata
- Arête brun rougeâtre Ecologie : aiguilles de conifères M. capillaripes

A – ARETE CONCOLORE

B – Couleurs vives (partiellement)

- Stipe jaune doré, Ecologie : bois de feuillus M. renati
- Nuances roses sur chapeau ou stipe ou lilacines,  Ecologie : feuillus M. albidolilacea

B – Couleurs plus sombres ou ternes

- Sosie de galericulata, Ecologie : bois de feuillus : M. niveipes
- Gris brun, pruineux, Ecologie : sous-bois : M. leptocephala
- Brun gris, strié, Ecologie : herbe :  M. ammoniaca + M. aetites
- Brun foncé à brungris pâle souvent en touffes, Ecologie : souches, brindilles :  M. stipata + M. silvae-nigrae

 


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Dernière mise à jour le jeudi 01 novembre 2001